Ère post-COVID : Repenser les banlieues pour favoriser leur prospérité
24 février 2022
24 février 2022
Cinq étapes pour rendre plus « vertes » les banlieues où vivre, travailler et se divertir
Par John Bachmann
La pandémie de COVID-19 a engendré des coûts colossaux sur les plans sociaux, économiques et des soins de santé. Mais des conséquences environnementales positives ont été constatées : les émissions ont baissé en raison de la réduction des déplacements et des voyages.
En effet, les confinements et les restrictions relatives aux voyages ont fait en sorte que les déplacements de courtes et de longues distances ont, à certains moments, pratiquement cessé. En 2020, les émissions de gaz à effet de serre (GES) aux États-Unis ont chuté à des niveaux inégalés depuis 2005. La réduction des GES est bonne pour la planète et, à long terme, pour la survie de notre espèce. Cela soulève la question suivante : que peut-on faire pour prolonger certains des gains sur le plan climatique réalisés durant la pandémie?
Réaménager les banlieues pour en faire des milieux de vie où les résidents sont moins tributaires de la voiture est une occasion à saisir. Il est possible d’offrir aux banlieusards plus de choix en matière de mobilité et de favoriser la transition vers des modes de transport à plus faible consommation de carbone. Cela peut se réaliser en concevant, dans des endroits stratégiques des banlieues, des collectivités qui répondent aux impératifs de densification et de piétonnisation. Les résidents qui travaillent en mode hybride pourront se rendre au bureau certains jours et profiter à pied ou à vélo de leur banlieue riche en services et attraits les autres jours.
Le réaménagement de banlieue consiste à transformer des actifs sous-utilisés et axés sur les véhicules, comme les centres commerciaux, les zones industrielles et les parcs d’affaires. Ceux-ci peuvent devenir des espaces à vocation mixte, à densité accrue et accessibles aux piétons. Le réaménagement de banlieue permet aussi de réduire l’empreinte carbone des banlieues et de bâtir des collectivités. Incités à délaisser leur véhicule, les citoyens bénéficient de plus d’occasions de connaître leurs voisins et de créer des liens entre personnes provenant de milieux sociaux et ethniques différents.
La région de la capitale Washington (National Capital Region, NCR) – où je réside – est reconnue pour sa diversité. Cette caractéristique peut devenir un élément distinctif de la collectivité lors d’un réaménagement de banlieue. Lorsqu’une planification et un cadre stratégique adéquats sont en place, ces collectivités repensées peuvent donner aux résidents et aux travailleurs l’occasion d’adopter un style de vie produisant moins de carbone, tout en bénéficiant d’une qualité de vie supérieure et d’une plus grande inclusion sociale.
De nouvelles sources de financement du gouvernement fédéral américain procurent une occasion unique de rendre nos infrastructures plus respectueuses de l’environnement. Grâce aux programmes de relance American Rescue Plan Act (ARPA) et Infrastructure Investment and Jobs Act (IIJA), le gouvernement fédéral américain va injecter des milliards de dollars en prêts et subventions. Ce financement aidera entre autres à mettre en place à une échelle étendue des programmes d’infrastructures d’énergie renouvelable, de véhicules électriques et de modes de transport actif (vélo, piétons).
Le moment est tout indiqué pour élargir le concept de réaménagement de banlieue et y ajouter des systèmes d’infrastructures collectifs intelligents et à faibles émissions de carbone, afin de réduire plus fortement nos empreintes carbone.
La transition vers le télétravail a grandement réduit les déplacements au travail pour une grande partie de la main-d’œuvre professionnelle et technique. La baisse des distances parcourues et la forte diminution des voyages par avion ont contribué à une diminution globale des GES de plus de 10 % en 2020 par rapport à 2019.
Dans l’avenir, le travail en mode hybride devrait conserver une place importante dans la culture du travail. Selon les prévisions, la main-d’œuvre professionnelle et technique en Amérique du Nord travaillera en moyenne 2 ou 3 jours par semaine en télétravail. Selon l’institut de recherche sur les politiques économiques de Stanford (SIEPR), 55 % des travailleurs aux États-Unis veulent un équilibre entre le travail au bureau et le télétravail à domicile. La plupart de ces travailleurs vivent en banlieue.
Quels seront les besoins des travailleurs en mode hybride alors qu’ils passeront plus de temps dans leurs quartiers de banlieue? Les participants aux ateliers de planification que tient régulièrement le NCR expriment le souhait de pouvoir bénéficier de centres d’activités à vocation mixte, idéalement accessibles à pied ou à vélo. Ils pourraient y faire des sorties en famille ou entre amis, ou y rencontrer des collègues. Dans notre monde du travail de plus en plus décentralisé et axé sur les technologies, de tels centres peuvent servir de lieux pour les rencontres en personne, celles-ci contribuant à nouer les relations et à stimuler la productivité.
Les projets de réaménagement de banlieue peuvent satisfaire aux demandes pour des centres d’activités locaux, mais cela nécessite la création d’un noyau urbain d’activités – une rue principale pour la collectivité. C’est possible en transformant les centres commerciaux en de nouveaux espaces hautement accessibles aux piétons et aux cyclistes provenant des quartiers résidentiels existants. Un accès amélioré à des infrastructures de mobilité pour cyclistes et piétons favorise des choix de vie sains. De tels investissements peuvent contribuer à accentuer une tendance amorcée durant la pandémie et bénéfique pour l’empreinte carbone : selon les données sur les déplacements publiées par Apple, les déplacements à pied se sont accrus partout au pays et plus que jamais depuis les dernières années. Le Midwest arrive en tête de liste avec une augmentation des déplacements à pied de 122 %!
Le réaménagement des banlieues n’est pas un changement de direction, mais plutôt l’accentuation d’une tendance existante. Aux États-Unis, le nombre des ménages composés de deux personnes ou moins est en hausse depuis des années, et selon les estimations du centre d’études sur l’habitation de l’Université Harvard, ce type de ménage devrait former 80 % des nouveaux ménages en 2040. Cette tendance contribuera à accroître la demande pour des logements plus petits, dont des appartements. Parallèlement, les choix de mode de vie évoluent depuis les années 2000. De nombreuses couches de la population d’Amérique du Nord – dont la génération Z et celle du millénaire, et les parents dont les enfants ont quitté la maison – veulent maintenant pouvoir se rendre à pied ou à vélo dans des quartiers dynamiques offrant restaurants, commerces et lieux de divertissement. Ces citoyens peuvent trouver satisfaction à leurs besoins dans les centres-villes, qui sont déjà des milieux de vie denses, et dans les banlieues réaménagées.
Le volet approvisionnement de la mise en œuvre de projets de réaménagement de banlieue s’est amélioré. Les programmes de relance ARPA et IIJA sont maintenant inscrits dans la loi. Ces programmes proposent beaucoup de nouveaux outils pour financer les types d’infrastructures nécessaires à la construction des nouveaux centres d’activités des banlieues et de leurs accès. Le programme ARPA dispose dès maintenant de fonds disponibles pour des projets de communications à large bande et d’infrastructures d’eau potable/d’eaux usées. Par exemple en Virginie, certains des fonds d’infrastructures d’eau peuvent être utilisés pour des projets d’espaces ouverts publics si ceux-ci contribuent à absorber les eaux pluviales.
D’autres fonds sont destinés entre autres au financement de projets de véhicules électriques, de transport en commun, d’infrastructures de mobilité pour cyclistes et piétons et d’énergie renouvelable. Les autorités locales peuvent utiliser ces fonds pour financer les infrastructures et les espaces publics dans les projets de réaménagement de banlieue. Les promoteurs peuvent alors mettre l’accent sur les bâtiments. En pratique, la gestion des nombreuses ententes qu’un promoteur doit produire est souvent la clé du succès financier des projets immobiliers à vocation mixte.
Pour réduire fortement les émissions, il faut élargir le concept de réaménagement des banlieues et y ajouter des systèmes d’infrastructure collectifs, intelligents et à faibles émissions de carbone.
Les programmes de subventions et de prêts pour les infrastructures offrent une autre possibilité : proposer des projets de réaménagement des banlieues qui vont plus loin et qui visent des performances énergétiques plus élevées et une réduction accrue des empreintes carbone. L’approche générale consiste à densifier le tissu urbain, à concevoir des rues accueillantes pour les piétons et des espaces à usage mixte permettant la tenue d’activités culturelles et de divertissement. Mais si ces projets de réaménagement de banlieue osaient la création d’écoquartiers? Et si ces projets proposaient des infrastructures intelligentes, axées sur le quartier (par opposition à bâtiment par bâtiment), ce qui réduirait les émissions de GES par ménage?
Les microréseaux intelligents, les systèmes énergétiques urbains intégrant des sources d’énergie renouvelable, les véhicules électriques, les systèmes urbains de chauffage et de climatisation, les petits logements et les enveloppes haute performance des bâtiments sont des éléments pouvant contribuer à réduire les empreintes carbone. Il est temps de cesser de considérer ces éléments comme des « ajouts facultatifs ». Ils doivent devenir des éléments de base pour bâtir de nouvelles collectivités visant à réduire les atteintes au climat.
Pour saisir les occasions actuelles de réaménagement, nous proposons aux autorités locales les étapes ci-dessous. La promotion de centres urbains à vocation mixte et plus accueillants pour les piétons favorisera non seulement une réduction des empreintes carbone, mais aussi la conception de lieux uniques et l’élargissement de l’assiette fiscale locale.
Dans quelle mesure un projet de réaménagement peut-il faire une différence? Est-ce que le réaménagement d’une banlieue peut générer une réduction importante de GES dans la prochaine décennie?
Les effets positifs d’une hausse des déplacements à pied et à vélo sont connus, de même que ceux d’une réduction de la dépendance aux combustibles fossiles. Mais pour répondre de manière approfondie à ces questions, il faut lier les efforts de réaménagement des banlieues aux programmes existants de suivi des émissions de carbone.
Le moment est tout indiqué pour adopter une approche globale de réduction des émissions de carbone. Nous devons le faire sans tarder pour le bien des générations futures.
Traduction du blogue publié originalement sur le site Ideas de Stantec.
À propos de l’auteur :
À titre de directeur et de leader de pratique de l’équipe Développement urbain, John participe à la conception et à la planification de villes intelligentes dynamiques qui répondent aux impératifs de réduction de l’empreinte carbone et de piétonnisation.