Trois façons de repenser la cour d’école de demain
30 septembre 2021
30 septembre 2021
Comment tirer profit du potentiel des cours d’école pour offrir des lieux d’apprentissage plus rassembleurs et inclusifs
Par Marie-Ève Garon et Aude Tessier
Les écoles du Québec, dont la construction remonte pour la plupart aux années 1960, font l’objet d’une importante cure de rajeunissement. Et si la modernisation de ces bâtiments était également l’occasion de repenser l’extérieur? Autrefois considérées comme de simples surfaces asphaltées où les enfants y prenaient l’air à la récréation, les cours d’école offrent aujourd’hui un potentiel illimité de prolonger l’espace éducatif à l’extérieur. Les cours d’école peuvent devenir de véritables milieux de divertissement, d’apprentissage et de dépassement de soi. Voici trois façons de repenser la cour de demain, qui sera plus verte, plus rassembleuse et plus inclusive, à l’image des jeunes d’aujourd’hui.
La clé pour concevoir une cour d’école réussie, c’est d’abord et avant tout d’écouter les besoins des usagers, soit les élèves et les enseignants. La création d’espaces de jeu libre est la première tendance observée auprès de notre clientèle. Les espaces sont conçus pour répondre aux besoins diversifiés des jeunes, pour qu’ils puissent se divertir, apprendre ou simplement se reposer.
Le jeu libre est une activité non encadrée qui ne requiert pas d’infrastructures particulières, par exemple le dessin à la craie, la pratique de la trottinette ou la création de pièces de théâtre. Il permet à l’enfant de développer sa confiance, son autonomie et son imagination de façon autonome, sans l’aide des adultes. L’élève est amené à découvrir ses forces et ses limites, sans être contraint de respecter des consignes ou de pratiquer des activités prévues pour son groupe d’âge.
Les aires de jeu libre sont plus simples et moins coûteuses à aménager que d’autres types d’aménagement : il suffit d’avoir des espaces libres d’équipement où il est possible de créer une variété d’environnements pour un éventail de besoins. Par exemple, une surface asphaltée peut permettre du dessin à la craie et des jeux de ballon, une étendue gazonnée peut accueillir de la gymnastique et des pièces de théâtre, alors qu’une aire boisée peut favoriser l’interprétation de la nature. En somme, de tels aménagements permettent de pratiquer une multitude d’activités artistiques, sportives et scientifiques, et de répondre aux multiples besoins et intérêts des enfants.
L’éducation par la nature, qui se traduit souvent par l’aménagement de structures naturelles, est la seconde tendance que nous avons observée dans nos récents projets de cours d’école. L’apprentissage en nature permet aux enfants d’apprendre de leur environnement immédiat. Par exemple, l’aménagement d’habitats pour les pollinisateurs permet non seulement d’embellir la cour d’école, mais sert aussi à l’acquisition de connaissances sur les écosystèmes, la pollinisation, le respect de l’environnement et même l’alimentation.
L’apprentissage en nature est, par définition, plus optimal dans un contexte véritablement naturel. Bien que cette forme d’apprentissage s’effectue beaucoup mieux en milieu rural ou périurbain, l’ajout d’équipements, tant naturels que synthétiques, dans une cour en milieu urbain le favorisera. Nous pouvons penser à la plantation d’arbres et d’arbustes, à la création de reliefs imitant la nature ou à l’installation d’équipements, comme des rochers, des troncs d’arbres ou des branches. Des installations plus naturelles produites avec des matériaux nobles, comme le bois, sont aussi de plus en plus observées dans les cours d’école. Elles visent à recréer un environnement naturel qui est extrêmement bénéfique pour améliorer le rapport de l’enfant face à son environnement ou à lui offrir une zone de détente et de repos.
Le verdissement des cours d’école permet également de rendre les espaces de jeu plus confortables en créant des zones d’ombres et en diminuant l’effet d’îlot de chaleur causé par les grandes aires asphaltées. Aussi, le verdissement de la cour génère aussi des retombées à l’intérieur de l’école : dans les classes, la vue sur l’extérieur est plus intéressante et l’ajout d’arbres permet de réguler la température intérieure du bâtiment. L’ajout de plantations améliore également la qualité de l’air dans le quartier et favorise l’infiltration des eaux de pluie dans le sol, ce qui limite les rejets dans le réseau municipal.
La troisième tendance est l’aménagement de classes extérieures, qui sont de plus en plus nombreuses au Québec. Les classes extérieures se distinguent du modèle traditionnel des salles de classes québécoises conçues dans les années 1960 qui, avec leurs petites fenêtres, leurs tons neutres et leur absence d’ornementations, visaient à minimiser les distractions et à prioriser l’éducation plus dirigée. Aujourd’hui, l’éducation se veut davantage axée sur l’apprentissage expérientiel et les classes extérieures offrent des possibilités infinies de stimuler l’apprentissage des jeunes, peu importe la matière à enseigner et la façon d’apprendre. Par exemple, une prise de mesures dans le cadre d’un cours de mathématiques peut se faire sur un grand nombre d’objets à l’extérieur, alors que dans un cours de français, la création de rimes avec des éléments de l’environnement peut devenir un exercice à la fois ludique et fort enrichissant.
Le concept de classe extérieure cherche donc à favoriser un cadre d’apprentissage où les éléments environnants suscitent un éveil et attisent la curiosité. Pouvant elles aussi être munies d’un amphithéâtre, de tables, de bancs et de tableaux, les classes extérieures fournissent un environnement d’apprentissage plus diversifié qu’une classe standard. Pour certains jeunes, les distractions qu’offre un tel milieu naturel peuvent même être bénéfiques, offrant une « pause » à ceux qui en auraient besoin. Pour d’autres, les distractions extérieures peuvent être moins nuisibles que certaines distractions intérieures, comme une toux ou un claquement de porte.
Et l’hiver dans tout ça? Il est essentiel d’en tenir compte dans les aménagements puisqu’au Québec, les hivers sont longs et rigoureux. Lors du déneigement des cours, une grande quantité de neige peut être accumulée et servir de butte à glisser. Aussi, les classes extérieures et les aires de repos avec mobilier peuvent aussi être utilisées et adaptées pour l’hiver, par exemple en créant une barrière végétale pour protéger du vent.
Il faut repenser les espaces extérieurs avec la même rigueur que nous le faisons pour les espaces intérieurs.
Il ne fait plus de doute, la cour d’école est un milieu de vie important pour les jeunes. C’est pourquoi il faut repenser les espaces extérieurs avec la même rigueur que nous le faisons pour les espaces intérieurs. Les cours d’école doivent être inclusives et refléter les besoins actuels des élèves et du corps enseignant. La pandémie a mis en lumière les bénéfices de jouer dehors et de passer du temps à l’extérieur, et les cours d’école sont un lieu tout désigné pour nos jeunes de se divertir, apprendre et se surpasser, en toute sécurité et pour leur plus grand bénéfice.
À propos des auteurs :
Marie-Ève est une architecte paysagiste comptant 13 ans d’expérience spécialisée dans la conception de parcs urbains et de cours d’école. Ayant travaillé sur plus de 500 projets d’aménagements en milieu scolaire et préscolaire au cours de sa carrière, elle est reconnue partout au Québec pour sa participation à l’amélioration de la qualité et de la diversité des cours d’école et la création d’espaces de jeu ludiques, durables et adaptés aux besoins de chaque école.
Aude est une urbaniste passionnée de design, engagée dans sa communauté. À la suite d’études en enseignement au secondaire, elle s’est redirigée vers l’urbanisme pour créer des milieux de vie complets et confortables où tous peuvent se sentir inclus. Aude s’investit auprès de Fusion Jeunesse, un organisme visant à contrer le décrochage scolaire par l’implication des jeunes dans le réaménagement de leur espace scolaire.