Véhicules connectés et automatisés: Défis et opportunités des gestionnaires de réseaux routiers
20 septembre 2019
20 septembre 2019
Les véhicules connectés et automatisés sont susceptibles d’entraîner d’importants changements opérationnels. Serez-vous prêts?
Ces temps-ci, il n’est pas rare de consulter les actualités et d’y voir un reportage sur un nouveau projet de véhicules automatisés, qu’il s’agisse d’un lancement, d’un projet prévu ou en cours. À Montréal, où je réside, les autorités municipales ont procédé au lancement d’un projet pilote de navette automatisée cet été, et Toronto a planifié un tel projet pour l'an prochain. Aux États-Unis, de nombreux projets pilotes de navettes automatisées sont actuellement en cours ou à l’étape de planification, et ce, partout au pays.
Les véhicules connectés et automatisés sont susceptibles d’entraîner, dans un proche avenir, d’importants changements en matière d’exploitation des réseaux routiers. Puisque ces véhicules se feront de plus en plus présents, les gestionnaires de réseaux routiers doivent commencer dès maintenant à réfléchir aux changements qui s’imposeront.
Alors que les gens ont plutôt tendance à s’attarder à l’aspect « automatisation » de la mobilité intelligente, c’est l’aspect « connecté » qui rend cette révolution possible.
De nos jours, les véhicules connectés peuvent échanger diverses données et informations entre eux (communication véhicule-véhicule, V2V) ainsi qu’avec les infrastructures riveraines (communication véhicule-infrastructure, V2I). Grâce à ces technologies, les automobilistes ont accès à des informations provenant des autres véhicules ou des infrastructures routières par l’entremise de services offerts, par exemple, la limite de vitesse, une alerte météorologique, une zone de construction, la vitesse dans une courbe raide ou la présence d’un véhicule en panne sur la route.
Le déploiement des technologies de communication véhicule-infrastructure et véhicule-véhicule s’accélère dans de nombreux pays développés. Par exemple, le Japon s’est déjà doté d’un système fonctionnel à l’échelle nationale, les États-Unis projettent de rendre obligatoires les communications à courte portée (DSRC) dans les véhicules neufs et l’Union européenne a élaboré une stratégie de déploiement à large échelle dont la mise en œuvre commence en 2019.
Avec la venue de ces nouvelles technologies, les gestionnaires des réseaux routiers bénéficient de nombreuses occasions relativement à la conception et à l’exploitation des réseaux routiers, mais ils font aussi face à de multiples situations problématiques. Dans cet article, nous explorons ces occasions et ces situations problématiques, et nous présentons des recommandations qui s’adressent aux pays et aux régions voulant déployer ces technologies.
Selon les données portant sur de nombreux projets en cours partout dans le monde et recueillies par questionnaire, nous pouvons formuler quelques conclusions générales.
Les technologies des VC offrent de nombreux avantages dans les domaines de la sécurité, de la gestion de la circulation et de la collecte d’informations sur l’état de la circulation. Elles peuvent aussi entraîner une réduction des coûts pour les gestionnaires des réseaux routiers et même constituer une source de revenus. De plus, elles peuvent servir d’aide à la conception et à la gestion des actifs.
Toutefois, les projets de déploiement de ces technologies posent de nombreux défis et soulèvent de nombreuses questions : quels services devrait-on proposer? À quelles technologies faut-il recourir, les communications DSRC ou 5G? Comment assurer l’interopérabilité? Quels changements organisationnels toucheront les gestionnaires des réseaux routiers? Comment établir une collaboration avec les constructeurs automobiles? Quel modèle d’affaires et de données doit-on adopter? Comment assurer la sécurité et la confidentialité des données?
L’expérience montre que la meilleure façon de déployer ces technologies consiste à mettre en œuvre un projet de faible envergure pour acquérir savoir-faire et expérience. Le déploiement de quelques-uns des services bien rodés (désignés comme étant les services de la liste initiale ou « Day 1 list ») est un bon point de départ. Cette liste, dressée par la Commission européenne, comporte notamment les services d’alerte suivants : véhicule d’intervention d’urgence en approche, véhicule(s) lent(s) ou immobilisé(s) et embouteillage.
Mais le facteur clé du déploiement des technologies des véhicules connectés n’est pas d’ordre technique : il consiste à susciter la participation de toutes les parties prenantes. Car les gestionnaires des réseaux routiers et de la circulation ne peuvent déployer seuls ces technologies : ils ne pourront le faire qu’en étroite collaboration avec les constructeurs automobiles et les fournisseurs qui assureront la prestation des services aux utilisateurs finaux.
En second lieu aura lieu le déploiement des technologies des véhicules automatisés. La complexité accrue d’une telle implantation nécessitera d’importants efforts de collaboration de toutes les parties prenantes.
Les gestionnaires de réseaux routiers devront traiter, dès l’étape de planification, les multiples modifications aux technologies et infrastructures qu’occasionnera l’arrivée des véhicules automatisés sur nos routes. Une des principales difficultés auxquels les gestionnaires feront face est la durée de vie différente des actifs, qu’il s’agisse des technologies de communication (DSRC ou G5), des infrastructures numériques (cartes haute définition) ou des infrastructures physiques (par exemple, dispositifs de signalisation, marquage routier, chaussée).
Puisque les véhicules sont construits et commercialisés sur les marchés mondiaux, d’importants efforts internationaux devront être consentis pour harmoniser la signalisation et le marquage afin d’en assurer une reconnaissance uniforme et la sécurité des véhicules automatisés. Bien que la signalisation routière ne soit pas harmonisée dans le monde, elle est issue de deux sources : la Convention de Vienne sur la circulation routière et le manuel américain d'uniformisation des éléments de contrôle de la circulation. Puisqu’un VA doit pouvoir reconnaître et comprendre tous les éléments de signalisation pour réagir adéquatement, les gestionnaires de réseaux routiers doivent coordonner leurs actions et harmoniser la signalisation. Parallèlement, certaines collectivités publiques pourraient décider de numériser toutes les formes de signalisation pour y ajouter la connectivité V2I.
Les gestionnaires de réseaux routiers peuvent aussi envisager de recourir à des voies réservées pour les véhicules ayant un niveau élevé d’automatisation, ou à la circulation automatisée en peloton qui pourrait permettre le déploiement des technologies tout en minimisant le risque d’interaction avec les véhicules non automatisés. Toutefois, il y a lieu de prendre en compte l’utilisation optimale des réseaux routiers et les besoins en matière de transport collectif. L’automatisation pourra potentiellement réduire la distance intervéhiculaire (en éliminant le facteur humain) et ainsi augmenter la capacité routière. Par conséquent, les gestionnaires devront considérer la détérioration par fatigue de la chaussée et des ponts parmi les paramètres de planification et de conception des infrastructures.
Les données sont une composante centrale de la conduite automatisée. Elles sont recueillies, transmises, traitées et analysées pour fournir les intrants nécessaires aux dispositifs de conduite automatisée. Une des difficultés rencontrées réside dans leur grande variété : petites données, mégadonnées, données statiques et dynamiques, ouvertes et fermées, en différents formats, etc. Par exemple, les véhicules automatisés ont recours à une carte routière virtuelle haute définition pour connaître leur environnement en temps réel. L’exactitude de ces cartes étant primordiale, les données doivent être modifiées à la suite de tout changement apporté aux infrastructures routières.
Avec l’augmentation croissante des VA dans le parc automobile, il y a tout lieu de croire que la masse accrue des données et des renseignements provenant des véhicules automatisés et connectés (VAC) et disponibles en temps réel seront d’une grande utilité pour améliorer la gestion de la circulation et les interventions. Toutefois, des difficultés se présentent en ce qui a trait à la disponibilité, au type et à l’uniformité des données fournies par les fabricants de véhicules. Les gestionnaires doivent aussi modifier leur manière d’exploiter les réseaux routiers afin de tirer pleinement profit des données disponibles et de mettre en place les outils et les systèmes de régulation qui peuvent optimiser les activités d’exploitation des réseaux.
L’émergence des véhicules automatisés sur les routes publiques devrait contribuer à de nombreuses améliorations opérationnelles. Certaines prévisions indiquent des améliorations importantes, alors que d’autres sont moins optimistes. Des études récentes suggèrent qu’à long terme, la hausse du taux de pénétration des VA pourra entraîner des améliorations en matière de capacité routière et d’utilisation des réseaux routiers. Toutefois d’ici là, de faibles taux de pénétration pourraient réduire la capacité opérationnelle.
De récents essais ont mis en lumière les difficultés d’utilisation des VA en environnement mixte, comme les zones accueillant des piétons. En plus des difficultés qui résident dans l’interaction entre les navettes automatisées et les personnes, il y a celles que soulèvent les différentes attentes des personnes concernant la manière d’agir et de se déplacer dans les sites ouverts où circulent des véhicules automatisés.
De nombreuses préoccupations sociales touchent le transport automatisé. Les avantages potentiels d’un tel type de transport sont susceptibles d’être limités par une multitude de facteurs humains (par exemple, trop grande confiance dans la technologie, sous-charge ou surcharge mentale du conducteur, distraction du conducteur, absence de confiance ou d’acceptation de la technologie menant à la désuétude ou à l’utilisation inadéquate des systèmes, perte des compétences liée à la conduite, adoption de comportements de conduite risqués) et par les attitudes, les opinions et les besoins actuels en matière de transport automatisé.
Les technologies d’automatisation du transport entraîneront sans aucun doute des incidences directes et indirectes sur les personnes et les collectivités, par exemple à l’égard de la sécurité, de la mobilité, des comportements en matière de déplacement, des finances publiques, des émissions polluantes, de l’environnement et de l’éducation. En fonction de la culture, les avantages et les désavantages du transport automatisé varieront selon les pays.
Ces technologies amélioreront la sécurité routière et la capacité des réseaux routiers. Le remplacement des infrastructures au fil du temps devra être planifié en tenant compte de la phase de plein déploiement des véhicules autonomes. Aussi, les questions liées à la propriété et à la sécurité des données doivent être traitées par les gestionnaires des réseaux routiers. Alors que les entreprises de télécommunication et les constructeurs automobiles sont déjà pleinement concernés par ce sujet, les gestionnaires de réseaux routiers devront eux aussi l’aborder. Dans la prochaine décennie, des technologies perturbatrices transformeront les transports, et tous les acteurs doivent harmoniser leur vision. Et il importe d’atténuer les préoccupations sociales au moyen de campagnes d’information à l’intention du public.
Dans la prochaine décennie, des technologies perturbatrices transformeront les transports, et tous les acteurs doivent harmoniser leur vision.
Les gestionnaires des réseaux routiers, qu’ils soient publics ou privés, doivent élaborer un schéma directeur et déterminer les actions clés pour piloter l’implantation des technologies dans leurs réseaux. S’ils ne le font pas, d’autres acteurs, comme les constructeurs de véhicules et les entreprises de télécommunication, montreront la voie et les gestionnaires n’auront d’autre choix que de s’adapter par la suite.