L’importance de tenir compte des changements climatiques lors de votre prochain projet
25 mars 2022
25 mars 2022
Peu familier avec l’évaluation des risques climatiques? Une approche systématique est utile pour gérer les risques liés aux changements climatiques.
Par Dylan Hemmings
La science est formelle : les changements climatiques entraîneront de plus en plus d’événements météorologiques extrêmes partout dans le monde. Le rapport AR6, publié récemment par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), est lui aussi sans équivoque : les changements climatiques augmenteront l’intensité des tempêtes et les risques de feux de forêt, de températures extrêmes et de sécheresses. Les inondations seront plus fréquentes, et la température moyenne à la surface du globe augmentera.
Face à ces menaces imminentes, comment gérer les risques des répercussions à venir des changements climatiques dans le cadre de nos projets? De manière systématique. Que ce soit pour un projet de nouvelle communauté, de nouveau bâtiment, de gestion d’infrastructures existantes ou de réhabilitation, il existe des outils et des moyens pour aider à établir, à comprendre et à hiérarchiser les risques associés aux changements climatiques.
Une telle approche s’appelle une évaluation des risques climatiques, ou une analyse des risques climatiques et de la vulnérabilité. L’objectif est d’élaborer une solution résiliente et adaptable qui pourra résister aux futurs changements climatiques. Nous verrons plus bas comment mettre en œuvre cette approche et pourquoi les chargés de projet doivent tenir compte des risques liés aux changements climatiques dans leurs projets.
Pourquoi est-il nécessaire de déterminer et d’évaluer les futurs risques climatiques dans un projet? Tout est une question de gestion des risques. Les codes, réglementations et lignes directrices utilisés en conception sont basés sur les tendances climatiques du passé. Toutefois, le rythme des changements climatiques actuels supplante les prévisions ayant jusqu’à maintenant servi à développer ces codes et ces normes. Une inondation qui autrefois était considérée comme une crue centenaire (ayant lieu aux 100 ans) survient aujourd’hui tous les 10 ans. La rapidité des changements climatiques demande un surcroît d’efforts lors de nouveaux projets ou de l’évaluation de la vulnérabilité des installations et des infrastructures existantes.
Bien que la prise en compte des futures conditions climatiques ne soit pas une approche nouvelle dans le domaine de la conception, les méthodes habituelles permettant d’évaluer les risques climatiques ont évolué au Canada depuis les 15 dernières années, et elles sont maintenant mises en application.
Au cours des cinq dernières années, deux éléments déterminants ont mis de l’avant l’importance de prendre en compte et d’évaluer les risques climatiques, autant pour les entreprises, les diverses agences et le gouvernement, que dans le cadre de la réalisation de projets.
L’un de ces éléments est la politique fédérale axée sur la résilience des nouveaux projets et des infrastructures existantes. Le gouvernement a mis sur pied des initiatives comme le Programme d’infrastructure Investir dans le Canada. Selon le montant et le volet du financement, ce programme nécessite la réalisation d’une évaluation basée sur l’Optique des changements climatiques, qui comprend une évaluation de la résilience climatique et de l’atténuation des gaz à effet de serre.
Des programmes de financement comme le programme Bâtiments communautaires verts et inclusifs requièrent également une évaluation de la résilience dans le cadre de la demande de financement. Quant à la Stratégie pour un gouvernement vert, elle nécessite une évaluation des risques climatiques pour les bâtiments fédéraux.
D’autres programmes gouvernementaux, comme le Plan d’action pour les sites contaminés, exigeront bientôt que les changements climatiques soient pris en compte dans l’évaluation des sites contaminés et lors de l’élaboration de programmes de réhabilitation.
L’autre élément réside dans les recommandations de divulgation financière émises en 2017 par le Groupe de travail sur la divulgation d’informations financières relatives au climat (Task Force on Climate-related Financial Disclosures—TCFD). Les recommandations du TCFD tournent autour de quatre thèmes : la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques et les données. L’objectif est d’aider les entreprises et les organismes à déterminer les répercussions financières des changements climatiques. Ces dernières peuvent être établies en procédant à une évaluation des risques climatiques physiques, puis en déterminant les occasions et les risques associés permettant de soutenir la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Des entreprises de tous les secteurs, situées au Canada et dans le monde entier, commencent à intégrer les recommandations du TCFD dans leurs rapports annuels. Par ailleurs, plusieurs des principales commissions de valeurs mobilières et boursières obligeront fort probablement les sociétés publiques à présenter un rapport relatif aux recommandations du TCFD. Cette tendance est appelée à se confirmer à mesure que la transition énergétique s’effectue.
Il existe plusieurs méthodes utilisées par l’industrie pour évaluer les risques climatiques, celles-ci étant basées sur la norme ISO 31000 : Gestion des risques ainsi que sur des lignes directrices reposant sur la norme ISO 14090 : Adaptation aux changements climatiques.
Mais l’un des aspects les plus importants dans l’évaluation des risques est l’embauche de professionnels chevronnés et qualifiés. Une équipe de professionnels compétents saura cerner les vulnérabilités et mettre en place une stratégie visant à améliorer la résilience d’un projet et offrir ses conseils pour une conception axée sur l’adaptation.
Un dollar investi dans la résilience des infrastructures peut permettre d’économiser entre trois et dix dollars en coûts de récupération en cas de défaillance d’infrastructures non résilientes.
Selon la méthode choisie, le nombre d’étapes peut varier. Mais règle générale, la séquence des événements est similaire et suit les principes habituels de gestion des risques.
Première étape : Définir le projet – les limites physiques du projet et les délais doivent être pris en compte. Vise-t-on une durée de vie de 50 ans, ou l’installation nécessitera-t-elle d’être remplacée dans 20 ans? Puisque ces paramètres influenceront les conclusions de l’évaluation des risques, il faudra les définir puis les aligner avec les objectifs de l’entreprise.
Deuxième étape : Recueillir les données. S’assurer qu’elles sont complètes, puis les inclure dans l’évaluation des risques. Quelles informations les principales parties prenantes du projet peuvent-elles fournir? Quelles sont les projections climatiques les plus récentes réalisées dans la région? Comprendre les futures conditions climatiques est crucial, car ce seront celles auxquelles les infrastructures du projet seront confrontées dans l’avenir.
Troisième étape : Une fois le projet défini et les projections climatiques bien comprises, on procède à l’évaluation des risques climatiques en soi. Cette étape est souvent réalisée en collaboration avec les principales parties prenantes familières avec le projet. Il est aussi utile de communiquer avec des experts du domaine afin de quantifier les conséquences d’une éventuelle défaillance de l’équipement ou des systèmes relatifs au projet.
Quatrième étape : La dernière étape est d’élaborer un plan d’adaptation pour les éléments présentant le plus grand risque. La complexité de ces plans peut varier. Ils peuvent comprendre des mesures allant de l’augmentation des activités opérationnelles et de maintenance, à la conception de solutions techniques afin d’adapter le projet aux changements climatiques.
La prise en compte des risques climatiques et l’élaboration de solutions résilientes est une tendance qui prend de l’ampleur. Après tout, cela permet d’atténuer les risques et de réaliser des économies à long terme.
Des études ont démontré qu’un dollar investi dans la résilience des infrastructures peut permettre d’économiser entre trois et dix dollars en coûts de récupération en cas de défaillance d’infrastructures non résilientes.
Si vous travaillez sur des projets qui risquent d’être touchés par des conditions météorologiques extrêmes, vous avez la responsabilité de prendre en compte les risques climatiques et de les inclure dans votre planification. Les rivières et les lacs causent déjà des inondations, le niveau des mers augmente, le pergélisol fond et les modèles de précipitations changent. Quels seront les effets de ces éléments sur les projets? Quels seront les coûts à long terme si des mesures pour réduire les risques ne sont pas prises?
En poussant la réflexion encore plus loin, on peut se demander si les infrastructures actuelles en gestion de l’eau, en énergie et en transport qui soutiendront votre projet résisteront aux changements climatiques. Comme l’a dit Benjamin Franklin, « Si vous n’avez pas de plan, vous courez à l’échec ».
Les changements climatiques sont complexes et dynamiques. Et bien qu’une évaluation des risques peut sembler une démarche pénible, en utilisant une approche systématique et en se basant sur la science et l’ingénierie, il est possible d’élaborer et d’appliquer des solutions qui augmenteront la résilience des projets.
Traduction du blogue publié originalement sur le site Ideas de Stantec.
À propos de l’auteur :
Vice-président du groupe Services environnementaux de Stantec, Dylan Hemmings chapeaute nos services-conseils multidisciplinaires en matière de changements climatiques au Canada.