Être un mentor pour les futurs ingénieurs : enseigner des compétences concrètes
25 octobre 2022
25 octobre 2022
Aidez-vous les jeunes ingénieurs à développer les compétences nécessaires pour s’épanouir? Un ingénieur chevronné donne quelques conseils aux mentors.
Par David Clark
La pandémie de COVID-19 a démontré que nous ne pouvons plus faire les choses comme avant. Les anciennes méthodes et les solutions dépassées ne s’appliquent plus au mode de travail hybride et à l’industrie de demain.
À l’heure où le monde évolue à un rythme accéléré, de tels bouleversements continueront de survenir. Nous devons former les futurs ingénieurs et les guider afin de les aider à relever les immenses défis à venir – comme les changements climatiques. Les ingénieurs juniors d’aujourd’hui, lorsqu’ils joueront des rôles de premier plan dans l’industrie plus tard, rencontreront des problèmes que nous ne pouvons pas encore imaginer.
Comment pouvons-nous former ces ingénieurs juniors et nous assurer qu’ils disposent des habiletés et des outils nécessaires pour y parvenir? L’éducation supérieure n’enseigne pas nécessairement toutes les compétences dont aura besoin l’industrie – particulièrement les compétences générales appelées à être très prisées dans l’avenir, comme l’intelligence émotionnelle, la curiosité, la créativité, l’adaptabilité, la résilience et la pensée critique. Voici donc quelques pistes de solution.
Un projet de conception de qualité exceptionnelle est le résultat d’un travail d’équipe. Les plus grands problèmes nécessitent des solutions complexes et multidisciplinaires. Encouragez les mentorés à comprendre le rôle des autres membres de l’équipe afin qu’ils puissent anticiper les besoins de leurs collègues et comprendre leurs objectifs et leurs points de vue.
En développant leur intelligence émotionnelle – particulièrement l’empathie –, les mentorés seront mieux outillés pour résoudre des conflits, constater comment leur travail et leurs émotions ont une incidence sur les autres et avoir l’humilité de corriger la trajectoire au besoin.
Évitez de prémâcher le travail pour les jeunes ingénieurs. Il est important qu’ils apprennent comment aborder les problèmes qu’ils n’ont jamais rencontrés. Guidez-les vers des solutions possibles et orientez-les en posant des questions : quel est le problème? Quelqu’un a-t-il déjà vécu une situation semblable? Quelles seraient les solutions possibles? Le problème peut-il être fragmenté en de plus petits éléments? Serait-il utile de revenir aux principes base? La solution paraît-elle sensée?
Veillez à fournir du soutien. Soyez prêt à leur prêter main-forte si vous constatez qu’ils s’engagent dans la mauvaise voie, à les aider à cibler les priorités et à comprendre où concentrer leurs efforts.
Une idée répandue auprès des ingénieurs veut que « les ingénieurs ne s’occupent pas de conception ». Bien que la conception en ingénierie soit différente de la conception architecturale, je pense que nous nous entendons tous sur une chose : une bonne conception est une conception élégante. Ce pourrait être le recours à un procédé mécanique offrant une efficacité énergétique accrue ou un système structurel minimisant le carbone intrinsèque.
Les ingénieurs sont créatifs par nature, et nous devons changer les mentalités afin que chacun comprenne, valorise et célèbre la conception en ingénierie.
Plus que jamais, les ingénieurs d’aujourd’hui et de demain doivent être à l’aise avec les diverses technologies numériques, alors que les ordinateurs et l’intelligence artificielle ont un effet de plus en plus grand sur notre travail. La conception itérative, par exemple, permet aux ingénieurs de générer et de mettre à l’essai de nombreuses solutions dans des délais plus courts, et selon moi, cette façon de faire deviendra encore plus courante. Aussi, dans l’avenir, les ingénieurs seront de plus en plus appelés à concevoir à l’aide de l’intelligence artificielle.
Mais en plus d’user de créativité pour développer de nouvelles solutions, les ingénieurs devront faire preuve d’adaptabilité aux nouveaux défis, qui sont en constante évolution. Tout comme pour les habiletés sportives, être créatif demande de l’entraînement. Je vous encourage donc à enseigner des habiletés similaires, comme la réalisation d’ébauches sur papier et la communication narrative.
Les ordinateurs peuvent apporter des réponses, mais les ingénieurs doivent savoir poser les bonnes questions. Le slogan d’une firme locale d’avocats, qui diffuse une publicité radio que j’entends souvent, est : « Il n’y a pas de mauvaises questions. » Lorsque j’étais ingénieur junior, j’ai appris à poser des questions, et j’ai eu la chance de travailler avec des personnes dont la porte était toujours ouverte, qui savaient se rendre disponibles. Ces ingénieurs chevronnés étaient prêts à investir du temps pour m’aider et répondre à mes nombreuses questions. En tant que responsable, je veille aujourd’hui à appliquer cette approche et à prendre le temps d’aider nos ingénieurs à poser les bonnes questions, à remettre en question leurs hypothèses et à analyser d’un œil critique l’information qui leur est transmise.
J’encourage les ingénieurs juniors à poser des questions à différents collègues – ils obtiendront des réponses différentes, et parfois même contradictoires – et à se faire leur propre idée. Dans le monde du génie, il n’y a pas toujours une seule et unique bonne réponse, et la meilleure n’est pas toujours la solution optimale à un problème.
Les jeunes ingénieurs devraient également apprendre à sortir de leur zone de confort et à éviter de se confiner à un seul domaine. Bien que l’industrie aura besoin autant de généralistes (qui peuvent rapidement analyser des problèmes) que de spécialistes (qui disposent de connaissances dans un domaine très précis), la vitesse à laquelle s’opèrent les changements dans l’industrie fera en sorte que les deux types de professionnels seront nécessaires afin de maintenir et de renouveler les compétences.
Au cours de leur carrière, les ingénieurs peuvent s’attendre à avoir plusieurs mentors, ceux-ci pouvant occuper des rôles différents et posséder des expériences variées (ingénieurs, chargés de projets, professionnels de différents corps de métiers, entrepreneurs, clients, etc.). Il peut s’agir de mentorat formel offert par leur entreprise ou par des organismes en génie, ou encore de mentorat non formel par l’entremise de leur réseau professionnel.
Tout comme pour les habiletés sportives, être créatif demande de l’entraînement.
Lorsque j’étais ingénieur junior, j’ai beaucoup appris en observant les autres et en écoutant les conversations – on pourrait qualifier cela de développement professionnel par osmose. Cette approche consiste aussi à rencontrer des clients et à interagir avec d’autres professionnels de la conception et de disciplines diverses ainsi qu’avec des entrepreneurs et des ouvriers sur les chantiers.
Ce type de connaissances s’enseigne difficilement en virtuel, alors trouvez des occasions d’inviter des ingénieurs juniors à sortir du bureau et à aller assister à des rencontres avec des clients et à visiter des chantiers. En tant que mentor, soyez attentif à vos comportements et à la perception qu’ont les autres de vous.
Avec l’utilisation croissante des technologies, il est important de saisir comment le travail d’un ingénieur est lié au monde réel. Il s’agit notamment de comprendre la situation dans son ensemble et les répercussions de son travail sur les collectivités, ainsi que les aspects concrets liés à la construction et à la constructibilité.
Ce n’est pas parce qu’un concept peut être réalisé en 3D qu’il peut être construit. Et rien ne remet plus les choses en perspective que lorsque la personne qui tente de construire le concept demande « Qui a conçu ça? ». Voir son concept prendre forme est une partie cruciale du développement de compétences pratiques, tout comme le fait de voir la réalité d’un chantier de construction par opposition au monde virtuel.
Les mentors doivent s’entraîner à mieux soutenir les autres. Et pour ce faire, bâtir des relations est essentiel – bien que ce soit plus difficile dans un environnement virtuel. Durant la pandémie, les interactions spontanées qui avaient normalement lieu au bureau m’ont beaucoup manqué.
Et avec l’arrivée du modèle de travail hybride, nous devons rechercher des occasions qui favorisent ce type d’interactions. Par exemple, réserver des moments pour les communications avec son mentoré – que ce soit en personne ou en virtuel – nous force à avoir des discussions. Planifier une série de rencontres entre un mentor et son mentoré est le meilleur moyen de s’assurer que les discussions aient lieu.
Un avenir ouvert sur la diversité se bâtit sur une variété d’idées, d’opinions et d’expériences. Cela signifie également qu’il faut de la diversité au sein des mentors, particulièrement issus des groupes sous-représentés. J’encourage tous les ingénieurs à devenir un mentor et à permettre à nos ingénieurs juniors de côtoyer des professionnels provenant de tous les milieux. La formation sur les biais inconscients est un bon moyen d’amener les nouveaux mentors à remettre en question leurs présomptions.
En tant qu’ingénieur professionnel, je suis d’avis que j’ai la responsabilité d’aider chacun à développer sa carrière, qu’il s’agisse de nouveaux ingénieurs au sein de l’entreprise ou de ceux ayant une formation et acquis de nombreuses années d’expérience à l’étranger et qui souhaitent pratiquer ici. Rechercher des possibilités de faire du mentorat et aider les autres à trouver des occasions professionnelles et à obtenir une plus grande visibilité par l’entremise de votre organisme en génie est une excellente façon d’apporter votre soutien à votre tour.
Être un mentor est très gratifiant. En travaillant avec des étudiants en génie et en architecture tout au long de ma carrière, j’ai pris conscience que je n’avais pas réponse à tout. Leurs projets sont souvent en dehors de mon champ d’expertise ou présentent des problèmes inédits ou très spécifiques. Par exemple : « Combien d’unités de traitement d’air faut-il pour gonfler une toiture en ETFE? », « Quelle quantité de chaleur sensible produit un mouton? » ou « Comment faire de la glace optiquement pure pour le lustre de mon hôtel de glace? »
Mon approche pour aider les étudiants à résoudre leurs problèmes est de leur dire : « Je n’ai pas la réponse, mais je peux t’aider à savoir où chercher ». Cela pique souvent ma curiosité et mon désir de connaître la réponse. Je leur demande souvent de m’aviser lorsqu’ils auront trouvé la réponse afin que je puisse apprendre d’eux moi aussi.
Je n’ai encore rencontré personne dans l’industrie de la construction qui sache tout. Dans un domaine aussi vaste, il y a toujours de nouvelles choses à apprendre. Soyez à la fois le professeur et l’élève.
À propos de l’auteur :
David, ingénieur électrique et mécanique primé, est le directeur de pratique du groupe Ingénierie de bâtiments dans le sud-ouest de l’Ontario. Il se consacre à l’expression de la conception intégrée dans les équipes qu’il dirige et fournit des solutions globales.