Empathie, leadership et écoute en temps de pandémie
09 juin 2020
09 juin 2020
Comment le travail à la maison nous permet d’être plus authentiques dans notre pratique professionnelle
Par Brenda Bush-Moline et Rachel Bannon-Godfrey
Nous sommes deux professionnelles en conception, et nous sommes devenues de bonnes amies en raison de nos nombreux points communs, dont nos noms composés et notre famille multiculturelle. Comme vous tous, depuis le début de cette pandémie mondiale, nous avons dû composer avec la nouvelle routine du télétravail. Nous avons fait certaines constatations concernant notre manière de jongler avec les réunions virtuelles et l’école à la maison, la gestion du temps et les relations professionnelles.
Comme plusieurs d’entre vous, la pandémie affecte nos vies de plusieurs façons. Au milieu de tout ce stress et de ces bouleversements, nous avons partagé nos expériences et cela nous a permis de rire, de trouver du réconfort et de développer un bel esprit de camaraderie. Nous ne possédons pas toutes les réponses à nos questions, mais voici quelques extraits de nos conversations en lien avec notre pratique professionnelle, avec quelques interventions de quelques dirigeants de demain.
Rachel : Nos vies professionnelle et personnelle ont fusionné, la frontière entre les deux est devenue plus fluide et la communication prend des formes différentes.
La séparation entre le travail et notre vie n’est plus ce qu’elle était et plusieurs d’entre nous ont dû adopter rapidement le télétravail. Il ne s’agit pas d’un simple changement de décor. Des changements s’opèrent aussi en nous. Nos vies personnelle et professionnelle s’entremêlent durant une longue période, ce que nous n’avions jamais expérimenté auparavant. Cela m’a amenée à réfléchir : comment cette crise affecte-t-elle notre manière de diriger des équipes dont le mandat est de trouver des solutions?
Plusieurs d’entre nous avons plus de temps à notre disposition, puisque nous n’avons plus à nous déplacer pour aller travailler. Comment tirer profit de ce temps ainsi gagné? Certaines personnes en profitent pour développer de nouveaux talents, alors que d’autres choisissent plutôt de se reposer, de marcher, etc. Nous scrutons chaque minute de notre journée, ce qui nous pousse à réfléchir à la valeur de nos actes.
Famille, école et vidéoconférences
Brenda : Tenter de jongler entre l’horaire de nos réunions virtuelles et celui de nos enfants — merci à l’école virtuelle — est un défi majeur. Non seulement nous mettons beaucoup de pression sur la bande passante de Stantec, mais notre « bande passante » personnelle est également exploitée à son maximum. Et les réunions virtuelles faites de la maison ne sont pas des appels ordinaires : c’est une fenêtre sur la vie des autres – et il est essentiel d’accepter cette situation.
Rachel : Chaque fois qu’un enfant ou un animal apparaît dans l’écran d’une personne, cela me rappelle que nous avons tous une dimension personnelle qui nous rend uniques. Ce qui auparavant était une distraction est précisément ce qui aujourd’hui nous rappelle que nous sommes bien plus que la description de notre poste.
Brenda : Oui. Si quelqu’un répond à un appel à la hâte ou éteint son micro, c’est probablement qu’il y a une autre situation à gérer en arrière-plan. Ce n’est pas inhabituel et le fait d’accepter cet état des choses instaure un sentiment de confiance, et ce n’est pas un manque de respect, c’est simplement que notre vie personnelle prend plus de place.
Les bruits environnants et les interruptions signifient simplement que toute notre vie nous suit au travail plus intensément qu’avant.
Cette réalité nous en apprend plus sur les ressources émotionnelles dont nous avons besoin pour nouer des relations avec nos collègues et avec nos clients.
Rachel : Plusieurs d’entre nous doivent travailler à la maison en plus de devoir faire l’école à nos enfants – mais avec plusieurs ressources pour nous soutenir. À l’approche de l’été, avec les camps jours qui n’ouvriront pas tous et les enfants qui ont un surplus d’énergie accumulée depuis des mois, nous devons être indulgents face stress associé à cette situation difficile, autant envers nous-mêmes qu’envers nos équipes.
Brenda : Je trouve que les communications ont pris une nouvelle dimension. Je suis plus consciente du pouvoir de la voix. L’intonation, l’inflexion et l’émotion qu’elle transmet lui donnent beaucoup de valeur en l’absence d’information visuelle.
La communication virtuelle a ses limites, bien sûr. Il peut y avoir une interruption lors d’un appel vidéo si mon interlocuteur ne regarde pas la caméra. Le contact visuel aide à faire sentir sa présence et contribue à l’écoute active; cependant, cela peut aussi être stressant et éreintant. J’ai fini par comprendre que les moments de répit que nous nous octroyons nous aident à demeurer résilients tout au long de la journée. J’encourage mes collègues et mes équipes à en faire autant.
Rachel : En tant que dirigeante, j’accorde beaucoup de valeur à la transparence et à l’ouverture au sein de mon équipe, mais à l’heure actuelle, nous n’avons pas toujours toutes les réponses. Donc le mieux que nous pouvons faire, c’est d’être honnêtes quant au niveau d’informations dont nous disposons. Aussi, nous pouvons tous veiller les uns sur les autres. Un appel ou un message texte peut faire une grosse différence dans la journée de quelqu’un.
Brenda : J’ai aussi remarqué que les barrières entre les clients et les professionnels tombent lorsque nous communiquons de la maison. Les réunions en personne viennent avec une certaine hiérarchie, mais qui semble s’effacer dans le monde virtuel. Je trouve ça très intéressant et ça me pousse à trouver d’autres outils de collaboration virtuelle pour voir toutes les possibilités.
Rachel : J’ai récemment eu le plaisir de donner une série de cours sur la durabilité avec Nicola Mapelli et Matteo Rudello, de notre bureau de Milan, à 13 enfants d’employés de Stantec provenant d’un peu partout au Canada et aux États-Unis. Le but était d’aider les parents de Stantec à tenir leurs enfants occupés durant la journée. Non seulement cette future génération de dirigeants nous a transmis quelques excellentes idées, mais nous avons aussi eu l’occasion de créer des liens avec ces enfants, en plus d’avoir un aperçu de la vie et des valeurs de nos collègues et de leur famille.
Brenda : Je suis heureuse d’avoir la chance de côtoyer la jeune génération et d’entendre ses préoccupations, tous les soirs autour de la table. Les jeunes apportent une perspective différente sur ce qui se passe. J’ai demandé à mes enfants ce qu’ils ont appris en nous voyant travailler de la maison, leur père et moi. Voici ce qu’ils m’ont répondu.
Olivia (15 ans) : J’ai appris que les dirigeants doivent pouvoir s’adapter aux imprévus. Vous voir essayer de diriger vos équipes et vos projets à distance est bizarrement inspirant. Et j’ai appris que de se montrer courageux donne de la force aux autres, et à soi-même aussi.
Christopher (18) : Vous voir travailler de la maison m’a fait prendre conscience à quel point nous sommes privilégiés de pouvoir continuer à gagner notre vie en cette période. J’apprécie le dévouement et tous les efforts qui sont nécessaires pour réussir, et l’importance de maintenir une communication positive avec ses pairs et ses clients.
Rachel : J’ai également demandé à mes enfants ce qu’ils avaient appris en voyant ce à quoi ressemble une vraie journée de travail pour mon mari et moi. Mon enfant de 11 ans m’a dit « persévérance », alors que mon enfant de 6 ans a répondu « ne jamais laisser tomber, toujours continuer d’essayer ».
Ils m’ont vue dans des moments où j’étais visiblement fatiguée et stressée, tout en me précipitant pour prendre un appel sur mon cellulaire. Lorsqu’ils me demandent comment je vais, je leur réponds franchement. Mais ils m’ont aussi vue dans des moments où j’étais si fière de mon équipe que je me suis précipitée vers eux pour aller leur en faire part. Mon travail n’est plus un concept abstrait qui m’éloigne d’eux et m’envoie au loin en autobus ou en avion. Cela affecte leur journée autant que la mienne.
Brenda : Cette réalité nous en apprend plus sur les ressources émotionnelles dont nous avons besoin pour nouer des relations avec nos collègues et avec nos clients. Je puise chaque jour dans ma patience, dans mon empathie, dans ma capacité d’écoute et dans mon intuition.
Je suis plus consciente du bien-être de mes coéquipiers et comment les éléments extérieurs au travail affectent nos vies professionnelles. J’ai aussi constaté qu’en discutant ouvertement de mes difficultés personnelles, les autres se sentent plus à l’aise de faire de même, ce qui me permet ensuite de mieux les comprendre. De plus, je peux personnaliser nos interactions et peut-être même révéler un potentiel caché, grâce à cette compréhension approfondie de l’autre.
Pour diriger dans de telles circonstances, il est important de prendre conscience que chaque personne (incluant nos collègues) vit différentes émotions d’une journée à l’autre et que nous pouvons les inciter à partager, à apporter sa contribution et à diriger d’une manière plus authentique.
Cette expérience a renforcé ma conviction qu’il y a de la place pour un leadership empathique et qu’une pratique professionnelle basée sur les relations est bien plus gratifiante qu’un leadership transactionnel.
À propos des auteures :
Brenda est responsable du service inspirant et dynamique que nous offrons à nos clients du domaine de la santé.
Sous la direction de Rachel, nos équipes poussent plus loin le concept de création d’espaces et de lieux qui améliorent non seulement la performance des bâtiments, mais également la santé et le bien-être de nos clients et de nos employés.