Rues conviviales : une approche pour toutes les villes, peu importe leur envergure
01 avril 2022
01 avril 2022
Trois principes pour aménager une rue conviviale pour tous les usagers, automobilistes, piétons et cyclistes
Par Mike Rutkowski et Dan Hemme
Le gouvernement américain du président Biden a récemment annoncé la mise en œuvre d’un plan d’investissements dans les infrastructures. Il apparaît clairement dans ce plan que l’accent et les investissements porteront sur la sécurité des usagers des réseaux de transport. Parmi les effets qui persisteront au-delà de la pandémie de COVID-19, on note les changements dans les schémas de déplacement. Les villes ont consacré des efforts pour adapter leurs infrastructures à la hausse des déplacements à pied et à vélo en installant des ouvrages temporaires. En d’autres termes, elles ont modifié des rues suivant l’approche Rues conviviales.
Une grande partie de l’attention s’est concentrée sur les changements et les adaptations en milieu urbain, pour lesquels la création des ouvrages temporaires a soulevé des questions relatives à l’équité et à l’implication des communautés. Mais l’approche Rues conviviales ne se limite pas aux milieux urbains.
Alors que cette dernière tendance continue d’alimenter les discussions, la COVID-19 a accéléré la croissance des banlieues aux États-Unis. Les banlieues sont des zones à plus faible densité résidentielle, où les différentes activités urbaines sont séparées géographiquement et où les rues sont larges et principalement conçues pour les automobiles. Un tel aménagement procure beaucoup d’espace et de distanciation, mais il ne correspond plus aux attentes définies dans les concepts avant-gardistes de conception des rues. Il est impératif de modifier les infrastructures routières alors que les villes cherchent des solutions pour réduire les émissions nocives pour le climat, améliorer la qualité de vie des résidents et favoriser un mode de vie plus actif et plus sain. Mais la manière dont ces rues ont été construites — aux limites des propriétés, emprises réduites et manque d’installations pour cyclistes et piétons — peut rendre ces projets particulièrement compliqués et même controversés.
Toutefois, en procédant à une planification réfléchie, il est possible de résoudre les difficultés et de faire bénéficier les banlieues des avantages de l’approche Rues conviviales. Pour mettre en œuvre l’approche Rues conviviales dans un projet réalisé en banlieue, voici trois principes à respecter :
Il est indispensable de consulter le public à l’étape de planification d’un projet d’aménagement d’une rue conviviale, mais encore davantage quand le projet de réaménagement est controversé. Il est absolument essentiel de commencer par définir le problème. Trois motifs seulement peuvent justifier le réaménagement d’une rue problématique :
Les résidents, les travailleurs et les navetteurs qui ont des habitudes de déplacement ne veulent pas que leur temps de déplacement change ou que la congestion de la rue s’aggrave. Les commerçants veulent que la clientèle ait accès à leur établissement. Les résidents du quartier désirent pouvoir se rendre dans les commerces, les restaurants, les épiceries et les parcs sans devoir prendre leur véhicule. Et personne ne veut renoncer à ses priorités. C’est tout un exercice de conciliation, particulièrement quand les gens ont différentes raisons d’utiliser une rue.
Dans de telles situations, il est primordial d’entamer tôt dans le projet une démarche consultative et de la maintenir durant tout le projet. Les données peuvent être très révélatrices à propos d’un corridor de transport. Il est donc important d’écouter ce que les citoyens ont à dire, parce que tout est une question de perception. Les sondages et les sites Web proposant des formulaires où noter des commentaires ne sont qu’une petite composante d’une démarche consultative – il faut donner à la collectivité l’occasion de participer à la définition des objectifs du projet, à la compréhension des différents usages de la rue par les utilisateurs et à l’élaboration des solutions et des recommandations finales de l’étude. Les groupes de discussion, les séances informelles de discussion et les plateformes Web interactives sont des moyens pouvant favoriser une participation accrue du public.
Dans le cas d’une section de rue particulièrement problématique à Washington, en Caroline du Nord, notre équipe était limitée à des collaborations virtuelles durant tout le processus de planification. Nous avons donc utilisé Zoom et MURAL (une plateforme de collaboration numérique) pour permettre aux citoyens de consulter le projet, de poser des questions et de formuler des commentaires sur la conception envisagée de la rue. Des rencontres virtuelles régulières et une consultation de groupe de plusieurs jours ont permis à des citoyens de consulter chaque jour les différents concepts, de discuter avec l’équipe des forces et des faiblesses des concepts et de voir les changements apportés au fil des jours. Et malgré les difficultés généralement posées par la pandémie dans les activités classiques de consultation, l’environnement virtuel a permis d’accroître les interactions, à la fois avec l’équipe de projet et celle de conception, ce qui s’est traduit par une hausse de la participation des parties prenantes d’environ 25 %.
Le fait de prendre en compte tous les utilisateurs et les usages possibles peut fournir l’assurance que la rue répondra aux besoins futurs de la collectivité.
Il arrive parfois que la rue étudiée présente de multiples problèmes à traiter. Des décennies de désinvestissements et de décisions axées sur l’automobile ont entraîné l’aménagement de rues surdimensionnées qui sont optimisées en fonction de la vitesse et de la fluidité de la circulation, et qui sont virtuellement impraticables pour les cyclistes et les piétons. Les entrées charretières réalisées sans respect des règlements peuvent entraîner des situations de conflit lors des virages et des risques élevés de collision. Il peut y avoir beaucoup d’éléments à prendre en compte, dont la dangerosité pour le public.
Dans de telles situations, la solution facile consiste à surdimensionner la rue, en prévoyant des voies larges et de vastes terre-pleins et accotements. Mais dans les rues de banlieue, où les emprises sont souvent minimales, il est très probable que l’ajout de tous ces éléments entraîne des expropriations foncières, ce qui a des effets sur les propriétaires de commerces et peut grever les budgets restreints. Plutôt que de surdimensionner la rue, il convient de prendre un pas de recul pour établir et hiérarchiser les priorités.
Il faut étudier de plus près comment une rue répond aux besoins des différents types d’utilisateurs pour dévoiler les éléments sous-performants qui sont masqués par une mauvaise conception. À Washington, l’absence d’une voie réservée au virage à gauche forçait les automobilistes à virer à partir de la voie de gauche, ce qui, dans l’usage, transformait une rue à quatre voies en une rue à trois voies. Nous avons proposé de transformer cette infrastructure routière en une rue à deux voies séparées, pour créer de l’espace pour les trottoirs, des arbres et une voie partagée, ce qui n’existait pas avant. Le fait de réaliser de tels projets à l’intérieur des emprises et des limites existantes simplifie les choses et réduit les coûts. Et cela évite les difficultés liées expropriations.
Une autre erreur possible dans le réaménagement d’une rue problématique est le fait de considérer les problèmes uniquement dans le contexte d’aujourd’hui. Trouver des solutions aux problèmes actuels est une réponse compréhensible. Mais la rue réaménagée restera inchangée pour de nombreuses décennies, durant lesquelles il y aura des changements à l’échelle des commerces, du développement domiciliaire, et des besoins des automobilistes. C’est particulièrement le cas pour les corridors suburbains, le long desquels de nouveaux quartiers résidentiels et centres commerciaux linéaires sont bâtis, et où les parcs de stationnement en surface et les terrains vacants changent souvent de propriétaires.
Le fait de devoir planifier avec tant de variables inconnues peut sembler une difficulté, particulièrement en ce qui a trait aux nouveaux modes de déplacement qui se profilent, comme les véhicules automatisés et le transport microcollectif. Toutefois, de nombreux effets du futur développement sont prévisibles dans le contexte d’aujourd’hui. Les plans sur l’usage futur des terrains aident à prévoir l’allure du développement et ses effets sur la collectivité. Le fait de prendre en compte tous les utilisateurs et les usages possibles peut fournir l’assurance que la rue répondra aux besoins futurs de la collectivité.
Certains diront que nous sommes à un point tournant en ce qui concerne la manière dont nous abordons les infrastructures aux États-Unis. La pandémie a été l’occasion d’en apprendre beaucoup sur nous-mêmes et sur l’usage des infrastructures routières, et il faut en tenir compte dans les futurs investissements. On doit laisser derrière les conceptions du passé axées sur les véhicules et adopter l’approche Rues conviviales pour l’avenir de chaque village, banlieue et ville américaine!
Traduction du blogue publié originalement sur le site Ideas de Stantec.