Concevoir des transports en commun plus résilients pendant et après la COVID-19
13 juillet 2020
13 juillet 2020
Une approche à long terme rapportera aux organisations de transport en commun après la pandémie
Par Ken Anderson
Le transport en commun est un service essentiel qui assure la mobilité des citadins. Solution de rechange au véhicule personnel, il est un engrenage important de toute ville fonctionnelle. Pour plusieurs, c’est l’option la plus efficace et la plus abordable. Les transports en commun ont encaissé un coup dur avec le confinement, mais bientôt ils feront de nouveau partie du quotidien.
Il faut donc commencer à penser à l’avenir à long terme des infrastructures de transport en commun. De quoi auront l’air les installations lorsque le confinement sera levé et que la distanciation physique sera chose du passé?
En tant que concepteurs, nous croyons qu’un bon concept doit non seulement répondre aux problèmes actuels et à l’évolution des comportements, mais aussi être utile aux utilisateurs et aux travailleurs du transport en commun pour des décennies. Nous allons donc nous pencher sur les enjeux de conception en transport en commun dans une optique de réponse à court et à long terme.
Nous avons vu l’infrastructure du secteur des transports en commun (tant du côté client, avec les terminaux et les véhicules, que du côté interne, avec les installations d’entretien et les bureaux) être repensée afin d’en maximiser l’efficacité, la sécurité, la durabilité et la résilience. Il faut maintenant aussi penser à la santé publique.
Au Canada comme aux États-Unis, les divers ordres de gouvernement multiplient les subventions. Les agences de transport en commun travaillent sur des plans visant à freiner la transmission des virus et à convaincre le public et le personnel que le système sera sécuritaire lors de la réouverture. Point positif : la plupart des installations de transport en commun sont configurées de sorte que les opérateurs peuvent adopter les solutions temporaires, les protocoles internes et les mesures d’entretien en réponse à la pandémie. Les espaces publics, comme les stations, et privés, comme les installations de soutien, peuvent être modifiés afin d’améliorer la sécurité. En ce moment, les travaux de conception sont axés sur la réouverture : les protocoles de première phase (distanciation sociale, entrée décalée, désinfection fréquente) et la modification de la signalisation et des infrastructures d’entrée et de sortie. Mais ces solutions ne sont probablement que temporaires.
Les perspectives à court terme pour l’exploitation, l’entretien et l’administration sont aussi prometteuses. L’entretien se fait déjà majoritairement dans le respect de la distanciation physique, puisque les mécaniciens ont leurs propres outils et leurs propres aires de travail. Les agences peuvent ajuster leurs horaires de ravitaillement en carburant, d’entretien et de nettoyage ainsi que leurs protocoles de nuit pour favoriser la distanciation et la prévention des infections. Au bureau, elles peuvent ajuster les heures d’ouverture, les protocoles et l’entretien ménager.
Il ne faut pas penser seulement à l’immédiat et aux économies à réaliser, il faut penser en termes de flexibilité. Malgré la pandémie actuelle, les transports en commun ne risquent pas d’être délaissés.
À court terme, l’expérience de l’utilisateur sera dictée par l’autorégulation et, dans certains cas, le port obligatoire du masque. Comme les passagers n’iront pas là où ils jugent qu’il y a trop de gens, les agences devront trouver un juste milieu entre sécurité et fonctionnalité afin de respecter la préférence pour le transport à faible densité. Le transport en commun tend naturellement à concentrer les foules, et limiter ce phénomène sera peut-être l’aspect le plus difficile de la réouverture à grande échelle.
Nous surveillons de près comment certaines agences, comme l’Autorité des transports métropolitains (MTA) de New York, gèrent la première phase de la réouverture. Sachant qu’il serait difficile de respecter la distanciation physique dans un wagon de métro, la MTA n’a pas promis de maintenir le même niveau de service. Elle a plutôt augmenté la fréquence du nettoyage des véhicules, exigé le port du masque et ajusté les horaires afin de permettre la désinfection en profondeur aux rayons UV pendant la nuit. Résultat : une hausse significative et immédiate du taux d’utilisation (s’approchant des niveaux pré-COVID) et de la confiance des utilisateurs.
Les concepteurs de transport en commun et leurs clients ont intérêt à observer cette situation temporaire : ils pourront voir quelles solutions sont efficaces et comment les procédures et les habitudes évoluent avec le temps afin de protéger la santé publique. Ainsi, ils seront mieux placés pour intégrer la santé publique dans leur vision à long terme des environnements de transport.
Nous pouvons prévoir que certains éléments de conception des transports en commun seront avantageux à long terme. Les transactions (commerciales, bancaires et même pour les transports en commun) sans contact sont déjà la norme dans certains pays. Les transports en commun seront remodelés pour que l’utilisateur puisse profiter d’une expérience entièrement sans contact. Les portes coulissantes automatiques remplaceront les barrières qu’il faut pousser manuellement, par exemple. L’achat de billets se fera par téléphone intelligent. Les concepteurs emprunteront des éléments du secteur de la santé, comme les surfaces antimicrobiennes et la pression positive ou négative afin de contrôler la circulation de l’air dans les espaces publics ou réservés au personnel. La pandémie nous amène à imaginer des stations qui peuvent s’ouvrir ou se fermer à l’air extérieur.
En ce moment, les réseaux de transport subissent des pressions à court terme, comme la perte de financement causée par la baisse de l’achalandage. Face à ce manque à gagner et aux problèmes posés par la reprise des services, ils devront probablement gérer leurs dépenses prudemment, le financement du gouvernement étant généralement modeste même dans les bonnes années.
Heureusement, plus nous en savons sur la pandémie, plus il y a de bonnes nouvelles. Des études récentes ont montré qu’à Paris et en Autriche, aucun des foyers de COVID-19 (sur 150 foyers à Paris et 355 en Autriche) n’avait le transport en commun comme origine. Il faut gérer les problèmes de santé publique immédiats et, en même temps, trouver des solutions intelligentes à long terme.
Le bon concepteur pense au-delà des problèmes d’aujourd’hui sans perdre de vue les principes fondamentaux. Nous devons évidemment tenir compte de la santé publique, mais il faut aussi que les infrastructures de transport en commun durent des décennies – c’est une question d’équilibre entre les besoins de la collectivité, l’expérience passager, les changements climatiques et la résilience. Il ne faut pas penser seulement à l’immédiat et aux économies à réaliser. Il faut penser en termes de flexibilité. Malgré la pandémie actuelle, les transports en commun ne risquent pas d’être délaissés. Et la prochaine crise pourrait ne pas être une pandémie qui ferme les réseaux temporairement – elle pourrait au contraire rendre la population plus dépendante des transports en commun.
Il faut d’abord s’imaginer la crise qui n’est pas encore arrivée, puis concevoir en fonction. Plutôt que de réduire la taille des bureaux administratifs des agences de transports en commun, nous suggérons de les penser de sorte qu’ils soient flexibles, capables d’accueillir du personnel pendant des années, aptes à s’ajuster en taille pour répondre aux besoins changeants (p. ex., espaces partagés avec cloisons mobiles) ou capables d’être adaptés à une toute nouvelle fonction rapidement et économiquement. Nous devons aussi penser à la résilience des transports en commun à l’échelle planétaire. Si le réseau public de transport en commun est hors service, il ne faut pas croire que tous les utilisateurs pourront se tourner vers la voiture ou les applications de covoiturage. La crise actuelle nous a montré à quel point la disponibilité du transport est étroitement liée à l’équité sociale aux changements climatiques, en plus de façonner les collectivités. Un réseau véritablement résilient offre à tous des options multiples pour les déplacements intra-urbains.
Les concepteurs de transport en commun et leurs clients ont intérêt à observer cette situation temporaire pour voir quelles solutions s’avèrent efficaces. L’état d’alerte actuel ainsi que les mesures de prévention des infections et les modifications qu’il impose représentent aussi une occasion d’apprendre par l’observation. En évaluant ce qui fonctionne ou non et en notant comment les habitudes changent avec le temps, nous pourrons construire de meilleures stations et infrastructures de transport.
À propos de l’auteur :
Reconnu pour ses solutions architecturales qui améliorent la qualité de vie, Ken guide nos travaux dans le secteur des transports aux États-Unis.