Miser sur l’esprit communautaire pour améliorer la résilience des collectivités
10 juin 2021
10 juin 2021
Les microcommunautés, comme celles des ruelles vertes de Montréal, pourraient inspirer le développement de nouveaux projets immobiliers
Par Aude Tessier
La pandémie a chamboulé plusieurs sphères de notre vie, que ce soit l’espace accordé à notre milieu de vie, notre lieu de travail ou même nos habitudes de déplacement. Elle a également fait émerger de nouvelles habitudes sociales et communautaires, que l’on a pu observer notamment dans les ruelles vertes de Montréal où des liens étroits se sont créés entre les membres du voisinage.
C’est l’idée derrière le concept de résilience par « bloc », qui vise l’agrandissement de notre bulle familiale à l’échelle d’un îlot, d’un pâté de maisons – communément appelé un « bloc ». Bien que ce concept s’appuie sur un contexte particulier de crise, il présente des occasions d’améliorer notre autosuffisance communautaire à plus long terme. Pensons à une tempête hivernale ou à une panne d’électricité majeure : les routes sont bloquées, le transport en commun est suspendu et les écoles sont fermées. Si, au lieu d’être confinés en bulles familiales, nous étions confinés avec les gens de notre « bloc-appartements », de notre tour à condos ou même de notre quartier?
Pour concevoir une communauté résiliente, il faut tenir compte de nombreux éléments, et l’expérience de Montréal nous permet d’en apprendre beaucoup sur le potentiel de ce type d’aménagements. La création de microcommunautés, comme celles des ruelles vertes de Montréal, pourrait donc améliorer la résilience des collectivités à plus long terme en plus d’inspirer le développement de nouveaux projets immobiliers qui prennent forme à proximité des réseaux de transport collectif.
Le phénomène des ruelles vertes a pris de l’ampleur à Montréal au cours des dernières années. La Ville et ses citoyens investissent temps et argent pour aménager ces lieux extérieurs en de véritables milieux de vie pour tous, incluant des espaces verts, du mobilier urbain et du marquage au sol pour les enfants. Puisque la ville est conçue selon une trame urbaine dite en « côtes et en rangs », suivant l’ancien tracé des terres agricoles de l’île, les pâtés de maisons sont longs et étroits et au centre s’y trouve une ruelle, soit une voie partagée par la communauté locale.
Les ruelles se veulent donc un prolongement des arrière-cours, et les locataires des étages supérieurs des habitations peuvent y trouver un espace de détente et de jeu semi-privé où de forts liens sociaux sont créés. Les résidents de tous âges et horizons s’y retrouvent, que ce soit pour jouer, discuter ou même s’entraider. Besoin de farine, d’un plombier ou d’une gardienne pour les enfants? Vous trouverez probablement tous ces services chez vos voisins qui fréquentent la ruelle. Non seulement la communauté se resserre et s’organise, mais de nombreux services peuvent aussi être offerts sans avoir à sortir du bloc, ce qui permet d’économiser temps et argent et de contribuer à créer une micro-économie locale. En temps de confinement, la création de bulles sécuritaires avec le voisinage pourrait réduire la transmission communautaire, tout en limitant les interactions avec des gens de l’extérieur.
Le concept « des yeux sur la rue », décrit par Jane Jacobs dans les années 1960, explique que les lieux les plus sécuritaires sont ceux qui sont visibles par monsieur et madame Tout-le-Monde. Effectivement, un groupe d’enfants qui joue dans la ruelle est mieux surveillé si l’ensemble du voisinage le surveille, que ce soit en cuisinant avec une vue sur l’extérieur ou en discutant avec un voisin.
Le sentiment de sécurité vient donc jouer un rôle clé dans la vie communautaire. En effet, les gens ont davantage tendance à créer des relations durables et de confiance lorsqu’ils sont dans un environnement qu’ils jugent sécuritaire. C’est alors un double objectif; les ruelles sont plus sécuritaires lorsque la communauté est serrée et celle-ci est plus serrée lorsque la ruelle est perçue comme étant plus sécuritaire.
Les résidents de tous âges et horizons peuvent s’y retrouver, que ce soit pour jouer, discuter ou même s’entraider.
Bien que l’exemple des ruelles montréalaises se base sur un environnement bâti bien précis, le principe peut s’appliquer dans des projets de densification afin d’améliorer l’esprit communautaire et d’agrandir la bulle familiale en cas de crise.
En effet, de nombreux projets de densification urbaine sont en cours ou en planification partout en Amérique du Nord. Nous pouvons entre autres penser aux aménagements créés autour des stations de transport collectif structurant, que l’on appelle les aires TOD (Transit-Oriented Development). Plusieurs grands corridors de transport automobile sont également en révision afin d’y intégrer des constructions plus denses et mixtes, et ainsi transformer un lieu de transit en milieux de vie complets, agréables et sécuritaires. Voici des éléments à prendre en considération pour contribuer à créer l’esprit de communauté dans les projets de développement.
La résilience par « bloc » présente donc des occasions durables de développement pour la collectivité. En agrandissant les bulles familiales à l’échelle microcommunautaire, comme avec son voisinage immédiat, nous pouvons contribuer à améliorer notre résilience à long terme. Ces aménagements permettent de diminuer la dépendance aux commerces plus achalandés, en plus de permettre à la communauté d’entretenir son réseau social et de contrer l’isolement. C’est aussi une façon d’améliorer sa qualité de vie en général et d’enrichir la biodiversité, et ce, en toute sécurité!
À propos de l’auteure :
Aude est une urbaniste spécialisée dans la planification de corridors urbains et suburbains ainsi que dans la revitalisation de ceux-ci en milieux de vie complets.