La modélisation 3D et le BIM sont l’avenir de la conception des infrastructures
24 mars 2021
24 mars 2021
Les projets en transports pourraient bénéficier des plus récentes technologies de modélisation utilisées par l’industrie du bâtiment, accroissant leur rentabilité et améliorant les infrastructures
Par John Barone
Il y a maintenant plus de vingt ans que nous sommes entrés dans le 20e siècle, et nous utilisons toujours des technologies de conception dépassées dans le cadre de projets d’infrastructures d’envergure. Les outils de modélisation des données du bâtiment (ou BIM, pour Building Information Modeling) – qui produisent littéralement des maquettes en 3D numériques – sont largement répandus dans l’industrie du bâtiment. Des projets de bâtiments réalisés sans modélisation 3D indiquent que les concepteurs sont de la vieille école – et ce n’est pas un compliment.
Le BIM est un outil de conception numérique ayant fait ses preuves et qui possède un énorme potentiel qui permettrait d’améliorer la manière de réaliser les projets en transports. Mais malgré cela, l’industrie reste à la traîne.
Le besoin d’intégrer le BIM est évident. Les infrastructures de transport sont vieillissantes – et certaines ont même largement dépassé leur « date d’expiration ». De plus, la population ne cesse de croître, particulièrement en milieu urbain, exerçant une pression de plus en plus grande sur ces infrastructures. En raison de tous ces facteurs, il est temps d’adopter des technologies plus rentables et plus efficaces afin de bâtir, de maintenir, de surveiller et de réparer nos routes, nos ponts et autres infrastructures.
Fini, les plans sur papier à l’ancienne et toutes leurs limitations !
Entrez dans l’ère des modèles numériques 3D – voire 4D et 5D – fournissant beaucoup plus de détails, comportant moins d’erreurs, augmentant la sécurité et représentant d’importantes économies. Les modèles numériques présentent quatre avantages majeurs par rapport aux plans actuels de l’industrie.
Depuis des décennies, nous concevons des routes, des ponts et autres ouvrages avec des plans en deux dimensions. Et ça fonctionne. Si vous regardez autour de vous, il y a beaucoup de routes et de ponts.
Toutefois, le processus pourrait être bien plus efficace. Repensez à ces projets. Pensez au nombre de fois où un écart a été constaté entre les ouvrages et les plans. Lorsque l’on regarde les coupes transversales aux 15 mètres, il y a beaucoup de place à l’interprétation. Honnêtement, c’est même parfois un jeu de devinettes entre le concepteur et l’entrepreneur. Et dans certains cas, c’est le client qui perd à ce jeu.
Avec la modélisation numérique, vous savez exactement à quoi vous attendre.
Par exemple, dans la modélisation d’une nouvelle autoroute, il est possible de voir tous les éléments qui la constituent, et la manière dont ils interagissent. Qui plus est, toutes les informations nécessaires à la prise de décision sont accessibles. Les outils numériques permettent de voir chacun des composants à quantifier. Ils permettent de déterminer la quantité de béton, le nombre de poteaux de signalisation, le nombre de lampadaires – tout, littéralement. Qui plus est, ces outils permettent aussi de produire des plans traditionnels 2D, requis par nos clients.
Et lorsque nous ajoutons l’échéancier (simulation 4D) et les coûts (simulation 5D) au modèle numérique, celui-ci apporte encore plus de valeur.
Naturellement, l’échéancier et le budget sont deux facteurs cruciaux dans la réussite d’un projet, surtout pour les projets de très grande envergure, comme ceux de la modernisation des lignes rouge et violette du métro de Chicago et du prolongement du réseau ferroviaire de Long Island, à New York, d’une valeur de 1,9 milliard de dollars – deux projets sur lesquels j’ai récemment travaillé.
Une simulation 4D permet d’intégrer l’échéancier de construction au projet. Il est alors possible de voir à quel moment chaque élément sera construit – parfois même jusqu’à l’installation des panneaux de signalisation et le traçage des lignes.
Quant à la simulation 5D, elle permet d’intégrer les coûts au projet. Le client et l’entrepreneur connaîtront la date d’arrivée des matériaux sur le site, quand ils devront les payer et à quel moment ils recevront les factures. Cela contribue notamment à éliminer les dépassements de coûts.
Il n’y a rien de plus frustrant durant un projet que de découvrir, après avoir coulé le béton, qu’il faudrait le détruire en raison d’une erreur. Les modèles numériques réduisent grandement le risque d’erreur, ce qui se traduit par une économie de temps et d’argent.
Lorsque des erreurs sont corrigées sur le terrain, elles peuvent engendrer des coûts beaucoup plus élevés que si elles avaient été décelées dès la phase de conception.
Avec un modèle 3D, les concepteurs voient immédiatement ce qui ne va pas. Exposant le projet dans son entièreté, ils permettent de détecter toute incohérence. Si des conduits s’entrecroisent ou touchent la semelle d’un pont, ce sera rapidement visible en 3 D. Les plans 2D ne permettent pas de voir ces conflits.
De plus, les plans traditionnels ne comprennent généralement des coupes transversales qu’à tous les 15 à 30 mètres. Cette situation oblige l’entrepreneur à faire de l’interprétation pour ce qui se trouve entre chaque coupe transversale. Un modèle 3D est pratiquement une coupe transversale géante, offrant un niveau de détails impossible à atteindre dans un monde en 2D.
Ce serait-ce pas merveilleux de pouvoir se promener à travers un projet avant même qu’une seule goutte de béton n’ait été coulée ? Bien sûr. Et ce que permet un modèle numérique.
Les modèles numériques sont compatibles avec la réalité virtuelle et augmentée, ce qui permet de montrer le projet avant que la construction ne débute. Ces technologies améliorent la communication et facilitent l’intégration d’idées. De plus, elles simplifient le processus – spécialement lorsque des parties prenantes ont un niveau de compréhension différent.
Il est temps d’adopter des technologies plus rentables et plus efficaces afin de bâtir, de maintenir, de surveiller et de réparer nos routes, nos ponts et autres infrastructures.
Cette compréhension est un facteur déterminant dans l’adhésion du public. Les citoyens ont souvent de la difficulté à visualiser les concepts des projets juste en regardant des plans. Mais nous pouvons montrer nos modèles 3D lors de consultations publiques, et ce à quoi ressemblera le projet une fois terminé. Les clients ne veulent pas avoir de surprises à la fin du projet, et les membres de la communauté ne souhaitent surtout pas se retrouver devant une horreur. Les modèles 3D permettent d’avoir un aperçu du résultat final. Il est incroyablement fascinant de voir une personne, se tenant debout dans son entrée de garage, tourner la tête de tous les côtés, en train de regarder une route finie à travers des lunettes de réalité virtuelle. Les gens n’ont plus à deviner – ils voient le résultat par eux-mêmes.
Durant la pandémie de COVID-19, à l’aide d’un casque d’écoute Oculus Quest, nous avons demandé à cinq personnes d’entrer virtuellement – et en même temps – dans le modèle 3D d’un de nos projets, directement sur le site. Ce type de visualisation permet d’avoir une meilleure compréhension du concept. En tant qu’équipes de conception, nous avons été en mesure de régler certains problèmes avant le début de la construction.
Le client n’a pas eu à deviner ce à quoi ressemblerait le projet, et l’entrepreneur a vu tous les éléments lui permettant de bien tout comprendre. Les deux parties ont pu voir l’ensemble du projet tôt avant même de commencer la construction.
La réalisation de modèles 3D coûte plus cher que celle de plans traditionnels, peut-être jusqu’à 10 % de plus. Cela peut sembler beaucoup, mais cette approche entraîne une baisse des coûts totaux du projet d’environ 4 %.
Cette diminution de 4 % représente 80 millions de dollars sur un projet de 2 milliards. Et, bien que les coûts de conception soient 10 % plus élevés, les économies réalisées dans la phase de construction sont si importantes que la différence est amplement couverte. Avec un modèle 3D complet, il y a moins d’avenants – et moins d’avenants signifie d’autres économies importantes – en temps et en argent.
Au-delà des économies de coûts, le projet final sera plus précis et la sécurité, augmentée.
La précision provient des multiples fonctions automatisées, dont la préparation du sol de fondation, la mise en place de la couche de base et de la couche de surface, ainsi que l’utilisation des rouleaux compresseurs. Avouons-le, moins il y a d’interventions humaines dans le processus, moins il y a de risques d’erreur. Les arpenteurs sont des êtres humains eux aussi. Les erreurs proviennent parfois d’un nivelage inadéquat – et il faut ensuite le corriger. L’automatisation, rendue possible grâce aux modèles 3D, est une meilleure solution.
En cette époque hautement technologique, les traditionnels plans sur papier sont comme un retour dans le passé. Et honnêtement, il est temps d’avancer. Avec le BIM et la modélisation 3D dans les projets d’infrastructures, nous pouvons offrir aux clients, aux entrepreneurs et aux collectivités des autoroutes, des routes, des ponts et des infrastructures de meilleure qualité, et ce, à moindre coût.
Il est emballant de voir – et nous pouvons réellement voir les projets – ce que la modélisation peut apporter à notre industrie. Avec la modélisation 3D, nous pavons la voie à toutes sortes d’améliorations, comme des capteurs intégrés à un pont afin d’en faire le suivi des performances, la production de plans « tels que construits » numériques, la surveillance des niveaux de CO2 – les possibilités sont pratiquement infinies.
Les modèles 3D nous fournissent beaucoup plus de détails, comportent moins d’erreurs, représentent d’importantes économies et augmentent la sécurité sur le chantier. Il est grand temps que l’avenir numérique devienne une réalité.
Traduction du blogue publié originalement sur le site Ideas de Stantec.
À propos de l’auteur
En tant que responsable de la pratique numérique, John tire parti des nouvelles technologies, comme la conception paramétrique, informatisée et générative afin d’aider à la réalisation de projets plus rapidement, et de meilleure qualité. Son équipe utilise également l’animation, la visualisation et la réalité virtuelle et augmentée dans ses efforts pour remporter des mandats.